2011/11/25

Palapapapa! ...

  • Petite note sur mon expérience Mc Donald's qui aura à peine duré deux semaines et demi.
  • Comme beaucoup de jeunes recrues de la vie fraîchement sortis du cocon scolaire, l'envie de me faire un peu d'argent de poche en donnant de ma personne m'est venue en tête.
  • Je m'occupe déjà d'un gamin que je vais chercher à la sortie de l'école en semaine. Mais ayant retrouvé depuis peu un dynamisme débordant, je m'imaginai la future promesse de satisfaction personnelle résultant d'un petit job étudiant qui m'aurait permit de substituer à mes propres (et minces) besoins par mes propres (et honnêtes) moyens.
  • Je me retrouve donc à postuler chez Mc Donald's. J'en ai des retours plutôt positifs. De personnes n'ayant jamais mis les pieds de l'autre côté du comptoir mais ayant connu des "gens" qui n'en avaient dit que du bien. Et puis McDo est quand même réputé pour être LE boulot estudiantin par excellence. Facile d'accès, facilité pour grimper les échelons, payé au SMIC, horaires ajustables à l'emploi du temps, bonne ambiance, etc...
  • Je n'avais pas eu de réponses en posant ma candidature pour un job d'été. Cette période de l'année doit sans doute être assiégée par les CVs et autres lettres de motivation... Je me dis que j'aurais certainement plus de chances à la rentrée.
  • Bingo! A peine trois jours après avoir posé ma petite enveloppe immaculée, l'une des responsables McDo me contacte pour convenir d'un entretien d'embauche. Premier contact téléphonique très sympa, décontract'. J'ai trois jours pour m'entraîner à vendre ma personne du mieux que je peux, pour trouver un moyen de mettre mes qualités en avant, minimiser mes défauts... ou les améliorer pour qu'ils puissent paraître comme "pas contraignants" et "qualités en devenir".
  • Je stresse, j'envoie des messages à mon frère, je discute avec mes parents, ma belle-mère pour qu'ils me listent ce qu'ils pensent principalement de moi, en bon comme en mauvais. J'ai du mal à me cerner, à synthétiser. Je dirais bien que "c'est pas pour rien que j'étais en série littéraire" mais la vérité c'est que c'est la seule filière qui regroupait des matières dans lesquelles j'étais pas trop nulle et qui m'ennuyaient le moins. Bref.
  • A partir de ce moment se pose un léger problème. Entre ceux qui dérivent sur des petites manies qui n'ont rien à voir avec des défauts, qui ne risquent en rien de mettre en péril un quelconque travail; et ceux qui semblent se geler les boudins tant ils prennent des gants. Heureusement, parmi ceux cités plus haut (que je remercie tout de même sincèrement pour leur aide), il existe la personne impartiale, objective et juste. Mon frère.
  • Après trois jours de stresse (premier entretien oblige), j'arrive dans le resto auquel je suis affectée avec toute la paperasse nécessaire et mes fameuses "listes" en tête.
  • Celle qui m'accueille (avec 30 min de retard) et celle-là même qui m'a téléphonée le week end précédent. Elle me paraît toujours très sympa. Petit à petit ma tension redescend pour retomber à la normale. C'est elle qui parle, je me contente de répondre par des "ok", "oui" et "d'accord" convaincants. Elle m'explique comment fonctionne l'enseigne, qu'ici c'est un resto franchisé qui fonctionne avec trois autres restos sur Paris (dont l'un dans lequel j'avais déposé mon CV)... Je me rends compte par la même occasion que toute ma préparation antérieure à l'entretien ne servait strictement à rien. Elle m'avait simplement faite venir pour me dire que j'étais prise (elle me l'a dit trois fois d'affilée quand même...) et pour me donner l'heure de mon second entretien avec le directeur.
  • Deux jours après le dirlo me reçoit. L'air légèrement autoritaire (faut bien) mais plutôt cool. Il m'explique quelques détails, me parle de la notion de famille, de bonne ambiance. Au sein de la fratrie McDo, tout le monde se tutoie. Puis il me donne la date et l'heure de mon embauche aux bureaux Mc Donald's, à Vincennes, où je recevrai ma formation et mon uniforme.
  • Deux jours plus tard me voilà en face du château entrain d'essayer de trouver la "rue du Donjon".
  • Nous sommes, quatre autres jeunes et moi-même, accueillis par la responsables qui nous a fait passé l'entretien d'embauche. Au programme : visionnage de vidéos semblant dater de 20 ans (la télé également) sur l'hygiène, la sécurité et le prestige McDo. De beaux et rutilants employés nous font part de leurs expériences au sein de la société à grand renfort de sourires éblouissants, de teints frais pêchés la veille et de mines épanouies.
  • Puis lecture, signature des contrats. On reçoit nos uniformes dans de jolis sacs à bandoulière dont on peut choisir la couleur (Waoh).
  • A la fin de cette intégration, nous avons chacun la date de notre premier jour de travail.
  • Il me tarde de commencer. C'est nouveau, sympa, j'ai l'impression de voler de mes propres ailes tel un petit oisillon jeté du nid.
  • Premier jour : stresse dû à l'anticipation, vérifiage intense de mon sac pour être sûre de ne pas avoir oublié la moindre parcelle de mon uniforme. J'arrive 25 minutes en avance. Le temps de me changer en tremblant, je pointe 4 minutes en retard... Le manager ne me fait pas de reproche, il me le fait juste remarquer. Une erreur de nouveau, ce n'est pas si terrible.
  • Il me dit que je vais être formée à la caisse et je jubile. Pas envie de nettoyer chiottes, tables et salles (lobby) ni d'être en cuisine. La fille qui me forme pour ce premier jour se démène tant bien que mal pour me montrer le fonctionnement de la caisse tout en prenant les commandes des clients en semi rush (rush=grosse affluence). J'ai du mal à enregistrer tout ce qui est "menus spéciaux", offres imagin' R" mais je me débrouille plutôt bien une fois la caisse entre les mains.
  • C'est marrant de se retrouver à "faire la caissière" comme quand on est gamine, rendre la monnaie, dire bonjour, merci, au revoir. Au début. Parce que l'on se rend vite compte que les clients de la vie réelle sont beaucoup moins plaisants et arrangeants que monsieur Nounours et autres peluches engagées pour le jeu de rôles.
  • Mais je tiens bon. Je me dis qu'ils ne sont pas tous comme ça, que ça peut arriver à tout le monde d'avoir une mauvaise journée, que certains sont juste un peu ronchons mais pas méchants. La vérité c'est que sur dix clients, plus de neuf d'entre eux sont des connards finis. Ceux qui te regardent de haut, qui te prennent pour une débile, qui te prennent pour un chien ou un esclave, ni bonjour ni merde ni au revoir. Ceux qui prennent les sandwichs faits sur demande mais qui ne supportent pas d'attendre trois minutes. Ce sont les mêmes qui ne diront rien si ils poireautent 20 minutes au resto entre chaque plat...
  • Dire que je n'ai même pas vingt ans et que j'ai toujours pris soin de ne pas passer ma sale humeur sur les caissières, le personnel des magasins que je fréquentais en me disant que ça devait pas être facile comme boulot, que ces gens bossaient et que, malgré le fameux "le client est roi", je n'avais aucun droit de me comporter comme une petite conne.
  • Ce n'est pas ma faute si je suis en formation, si je suis plus lente que les autres ou que je fais des erreurs. Quand j'enlève mon polo frappé du célèbre "M" et que je rejoins le côté client du comptoir, je suis comme tout le monde.
  • A part ces quelques désagréables constatations, je suis satisfaite de ma première journée.
  • La deuxième arrive le samedi suivant et les deux premières heures sont une horreur. Et vas-y qu'on appelle le manager pour qu'il répare les erreurs, et vas-y que le client il revient parce que t'as oublié une frite. Puis je me rôde, trouve mon rythme et l'affreux moment où je sentais les larmes de stresse me monter aux yeux et où je devais me retenir de sauter par dessus le comptoir pour m'échapper par la porte n'est plus qu'un souvenir. Et oui, c'était à ce point. Le manager et l'équipe étaient sympas, il était normal que je ne sache pas tout mais le fait d'être incessamment exposée aux regards est quelque chose de trèèèèès perturbant.
  • Je retourne chez moi, au calme et me dis que "demain sera meilleur". Effectivement. Troisième journée parfaitement réussie! J'apprends vite. J'ai toujours une formatrice (chaque fois différente) en back up qui me prépare sacs à emporter et plateaux lorsque je suis à la caisse et qui encaisse et prend la commande lorsque je prépare cette dernière.
  • Je rentre chez moi contente et sûre d'avoir acquis le plus gros.
  • Durant les jours suivants, je ne stresse plus. Je prends confiance. Mais malheureusement je me rends vite compte que je sais déjà tout ce qu'il y a à connaître, que je dois travailler sur la rapidité mais que je n'ai plus rien de vraiment fondamental à apprendre. Et je m'ennuie. Les heures traînent, c'est interminable. Mouvements, paroles, techniques robotisés, mécaniques. Attention sollicitée en permanence. Je ne m'entends plus penser. Je n'ai même pas le temps de penser!
  • Le rush est infernal mais les soit disant "heures creuses" ne le sont pas moins. C'est du non-stop. D'un côté je suis heureuse, moi qui déteste rester assise sans rien faire. D'un autre je suis épuisée physiquement et surtout mentalement.
  • Parce qu'il faut savoir que piétiner entre le bin (là où attendent les burgers), la machine à sundaes, la friteuse et la caisse pendant 4 heures, ça use les pieds. C'est bâtard, c'est pas vraiment de la marche, ça tapote sur la plante des pieds, ça martèle doucement, longuement. Parce qu'il faut se souvenir de dix choses à la fois : d'un maximum de produits de la commande quand arrive le moment où l'on en a marre de faire trente allers-retours à la minute, de faire bouillir les frites, les agiter et les retirer quand ça sonne et qu'il n'y a personne désigné "aux frites" en période creuse, de se souvenir à qui appartiennent les nuggets/sandwichs/wraps qui ont pris plus de temps à être préparés. Le must c'est quand trois ou quatre personnes à la suite attendent ces produits retardataires et qu'il faut toujours garder en tête "quoi a été commandé par qui" (pas français mais bon), "depuis combien de minutes".
  • Le "bip" des machines, le bruit des cuisines, ça crie, ça brasse, ça bouscule. Une véritable petite fourmilière. Combien de kilomètres peut-on parcourir en 4 heures de piétinements?
  • Je sors de là, je marche au ralenti, je ne sens plus mes jambes, mes pieds et mon dos sont en compote, ma tête enfle de plus en plus, ce qui me sert de cerveau semble pousser contre les parois de ma caboche. Et je pense que je suis en formation, donc j'ai moins d'heures que les autres. Que bientôt je ferai sept ou huit heures presque d'affilée à ce rythme là. Les gens passent ou marchent à mon côté et je pense : "Jusqu'où irait-il dans "l'abjectitude", celui-là, pour me montrer sa révolte face à l'affront d'avoir patienter 30 secondes de plus pour son Big Mac pain complet sans cornichon?".
  • Je sais bien qu'un job est fait pour avoir de l'argent, que ce n'est pas le pire boulot du monde, que j'ai eu la chance de tomber sur des collègues sympas, sur des supérieurs "normaux", sans complexe du "petit chef tyrannique" mais la créativité me manque. Malgré l'effort physique, le bruit, certaines odeurs; ce qui me manque le plus c'est l'innovation, l'initiative, le risque, un petit grain de folie.
  • Je me dis que j'en demande trop, qu'il faut arrêter les gamineries. Que je commence à avoir des goûts de luxe. Et puis...
  • Je me dis que j'ai la chance de ne pas devoir payer mon loyer et mes études. Que je peux bouffer autre chose que des pâtes de basse qualité sans me ruiner et devoir me serrer la ceinture la fin du mois arrivée. Je vis encore au crochet de mon père.
  • J'ai décidé de saisir cette chance de ne pas être bloquée, de pouvoir choisir. Je voyais mes collègues aussi blasés que moi, obligés de continuer depuis plus de deux ans pour certains, obligés de payer leur appart', leur école, leur permis. D'autres n'étaient là "que" depuis cinq mois et savaient qu'ils devraient encore bosser au moins un an de plus. J'admire leur courage, j'essayais de ne pas avoir l'air trop heureuse de démissionner, d'être en position de force par rapport à l'employeur. Je ne voulais pas donner l'impression de ne pas apprécier la valeur d'un salaire mérité. Je voyais leur envie de partir aussi dans leurs yeux, leur ennuie, leur surprise aussi.
  • Mais je ne pouvais plus revenir, j'en étais incapable, dégoûtée. C'est allé tellement vite que je m'en voulais un peu, me disant que ça avait l'air d'un caprice.
  • Mes décisions sont tout simplement radicales...
  • J'ai donné ma lettre de démission, j'ai rendu mon uniforme ce matin. J'ai lavé mes sur chaussures pleines de graisse, de bouts de frite écrasée et de coulis de caramel. J'ai pris mon solde et ma paye. Premier chèque encaissé gagné à l'huile de mes coudes.
  • Le banquier avait hâte que je me casse. Je m'embrouille toujours les pinceaux avec les opérations financières et mets trois quarts d'heure pour remplir un bordereau...
  • McDo aura donc été une expérience courte mais utile. Je sais que le contacte avec la clientèle (du moins dans ce cadre-là), la vente, la super productivité et la restauration rapide ne sont pas faits pour moi. Je sais aussi qu'un "Bonne journée" (tellement ahurissant sur le coup que tu ne sais pas comment répondre) ou un "Bon courage" sont des moments de grande émotion pour une caissière. Oui oui, avec la petite buée dans les yeux et tout...
  • Je n'entrerai pas dans le débat pro McDo/anti McDo (article déjà trop long) parce que ça ne m'intéresse pas. Je ne suis ni pour ni contre.
  • Bonne hygiène dans mon resto même si la règle de se laver les mains toute les demis-heure est un mythe. En même temps, imaginez tout le personnel à la queue leuleu devant le lavabo en plein rush. Les gens veulent de l'aseptisé mais ce qu'ils veulent encore d'avantage c'est être servis rapidement.
  • Equipe sympa même si mon court séjour ne m'a pas permis de creuser en profondeur.
  • Je n'étais pas du genre à inciter les gens à aller manger fast food avant ce premier job (je n'y allais moi-même quasiment jamais), je n'inciterai personne à ne pas y aller maintenant que j'en suis partie.
  • Pas de bonne pub. Ni de mauvaise.
  • McDo reste un emploi très accessible à toute personne souhaitant toucher un peu de maille. Travail assez dur qu'il vaut mieux garder en période de pénurie sévère ou en parallèle d'études passionnantes grâce à l'avantage de pouvoir créer un emploi du temps en fonction de sa scolarité (qui reste prioritaire).
  • Un lien menant au blog d'une (ancienne) équipière McDo et qui est très bien fait. Drôle, amenant à la réflexion. Chacun en tire ses propres conclusions, se fait sa petite opinion.
  • Peut-être ne suis-je pas restée là-bas assez longtemps pour voir l'aspect sectaire (diabolique pour certains) de l'enseigne mais Mc Do est simplement une énorme machine capitaliste, qui aime le profit au détriment de certaines problématiques plus humaines dirons-nous. Mais ça n'a jamais été un secret pour personne.
  • En ce qui concerne les problèmes de santé, la junk food, l'obésité..., je dirais que les sociétés ne sont pas dénuées de responsabilité mais le libre arbitre, la pensée individuelle et le choix libre de tout à chacun existent également. Jamais tout blanc, jamais tout noir. Ce serait trop simple.
  • Je retourne donc à mon baby sitting un rien pistonné, laisse ma place à ceux qui en ont vraiment besoin et apprécie de nouveau un week end libre et non rémunéré.

Aucun commentaire: